Stéphane Beaudet : “L'élu a un rôle d'arbitre et de pédagogue dans la participation citoyenne"
lundi 3 mai 2021
Maire de Courcouronnes depuis 2001 puis d’Evry-Courcouronnes depuis 2019, Stéphane Beaudet est, comme il le dit avec un sourire, un jeune “vieux maire”. Également Président de l'Association des Maires d’Ile-de-France (AMIF) et Président délégué de la communauté d'agglomération de Grand Paris Sud, il a constaté, vécu, analysé “le décrochage” entre les citoyens et les instances politiques. “Une lame de fond ancienne et éminemment puissante”. Après de nombreuses concertations sur son territoire, il est convaincu que la participation citoyenne a un rôle crucial à jouer dans le renouveau de la démocratie. Mais pas à n’importe quel prix.
Retour sur sa vision de la concertation citoyenne, les difficultés que peuvent rencontrer les élus sur leur territoire, et ses recommandations pour les civic tech.
Affirmer la complémentarité entre démocratie participative et représentative
Stéphane Beaudet,
maire d'Evry-Courcouronnes
“La concertation est une démarche assez récente. Historiquement, les citoyens n’ont jamais eu autant l'opportunité de prendre la parole”, affirme celui qui a vu naître les conseils de quartier, les outils de participation numériques et l’explosion des réseaux sociaux.
Une évolution pourtant en demi-teinte pour l’élu, qui craint que cette responsabilité nouvelle ne soit pas correctement accompagnée ou comprise. “Il y a un paradoxe entre la possibilité de pouvoir concerter et consulter, grâce au numérique, et vouloir donner un pouvoir collectif à des personnes qui n'ont pas forcément les compétences ni les connaissances nécessaires pour gérer un territoire."
Pour lui, une question préalable doit se poser : qu’est-ce qui relève de la participation ? “On confond trop souvent la participation citoyenne avec la question de la représentation démocratique.”
Deux notions effectivement mises en opposition, quand le véritable enjeu est au contraire celui de la complémentarité entre la démocratie participative et la représentation. Comment allier intelligemment ces deux piliers démocratiques pour faire émerger une nouvelle forme de prise de décision, plus apaisée, plus constructive ?
Pour le maire d’Evry-Courcouronnes, il faut commencer par redonner aux élus leur pouvoir d’arbitrage.
L’élu : un rôle d’arbitre et de pédagogue dans la participation citoyenne
“Faire de la politique, c’est décider pour le bien commun, c'est savoir trancher !” Dans le cas de la participation citoyenne, c’est prendre la responsabilité de poser le cadre adéquat, selon la vision politique, les enjeux territoriaux, les obligations légales, etc.
“Même s'il y a co-construction, il y a un cahier des charges à respecter, il y a des invariants, rappelle Stéphane Beaudet. L'élu a une vision périphérique précieuse qui lui permet, en fonction de différents éléments, de pouvoir dire ce qui relève de la co-construction, de la concertation et de l'information. C’est son rôle d’arbitre. Il a aussi la responsabilité de partager son constat et d’être pédagogue. On garde alors le principe de démocratie participative, qui vient compléter la représentation.”
L’élu a une vision périphérique précieuse qui lui permet de pouvoir dire ce qui relève de la co-construction, de la concertation et de l’information.
S’il reconnaît qu’une profonde crise de confiance est venue entacher les relations avec les élus, il enjoint à ne pas sombrer dans la méfiance “par principe”. "Arrêtons de croire qu’ils ont systématiquement tort, ou qu'ils agissent pour leurs propres intérêts ou ceux de leur parti. Les élus sont sans doute ceux qui pensent le plus à l’intérêt général avec les associations – en particulier les élus locaux ! – dans une société de l’égocentrisme. "
“Le désintérêt de la politique ne tient pas uniquement aux politiques” conclut le maire d’Evry-Courcouronnes, renvoyant au passage les citoyens à leur responsabilité.
Comment les civic tech peuvent-elles aider les territoires à impliquer les citoyens dans la décision publique ?
En tant qu’acteur de la démocratie locale, les civic tech ont un rôle méthodologique fort à jouer aux côtés des territoires, pour qu’un dialogue constructif ait lieu. Stéphane Beaudet voit plusieurs enjeux sur lesquels travailler pour que cette collaboration soit fructueuse.
- Réconcilier les enjeux d'ensemble (macro) avec les problèmes de riverains (micro)
La stratégie territoriale peut parfois être parfois contradictoire avec les problématiques très locales des habitants. Le défi de la concertation sera de faire en sorte de concilier ces intérêts et de transmettre aux citoyens le contexte nécessaire à une participation éclairée.
2. Réconcilier le court terme et le long terme
“Le monde va vite. Les jeunes ont de plus en plus de mal à se projeter. Les habitants sont moins sédentaires qu'avant... Travailler au projet d'Evry pour 2040 n'a plus tant d'intérêt pour eux !” regrette Stéphane Beaudet.
Pour une participation pérenne, il faut pourtant réussir à intéresser les habitants sur des sujets concrets et immédiats autant que sur des projets structurants et à long terme. Si cette double temporalité est déjà compliquée au quotidien, “entre la gestion du nid de poule et l’avenir de la ville sur 20 ans”, elle l’est d’autant plus quand il faut impliquer les citoyens.
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3. Assurer une preuve de la concertation
La concertation seule est un outil. Pour avoir un impact, elle doit être analysée et apporter la preuve que la voix citoyenne a été prise en compte. Cette étape est indispensable pour construire la confiance – à la fois dans le processus et dans les décideurs.
Pour Stéphane Beaudet, la difficulté est justement d’apporter cette preuve : “Comment assurer une continuité dans le cheminement de la concertation ? Comment retracer le fil conducteur d'une prise de décision publique afin de démontrer comment la parole citoyenne a pu la façonner/influencer ?”
Un défi que Fluicity a pleinement pris en compte dans sa méthodologie de consultation et dans son offre de service Data science.
4. Inculquer une culture civique aux citoyens
"L'éducation est fondamentale, insiste le maire d’Evry-Courcouronnes. Être citoyen, c'est d'abord définir ce qui fait dessein commun. La question du "pourquoi on est ensemble" est essentielle. Nous manquons de fond culturel, de construction intellectuelle autour du “bien vivre ensemble”, de vrais débats éthiques et politiques."
Nous manquons de fond culturel, de construction intellectuelle autour du “bien vivre ensemble”, de vrais débats éthiques et politiques
Si "améliorer le bagage scolaire" lui semble indispensable, il compte aussi sur l’appui des civic tech pour "responsabiliser les citoyens" et faire en sorte que leur engagement et leur prise de position tiennent de plus en plus compte du collectif.
“J’attends des civic tech que l’on partage une culture. Que l’on travaille ensemble à organiser la prise de parole et à poser les digues". Challenge accepté !
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