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"L’Etat et les collectivités territoriales doivent agir en partenaires dans cette crise"

  • jeudi 14 mai 2020

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    Plus que jamais, les collectivités territoriales sont en première ligne pour répondre aux défis du déconfinement. Comment s’organiser pour maintenir la « colonne vertébrale » que sont les plus de 500 000 élus locaux du pays ? David Carmier*, directeur adjoint de cabinet de M. Sébastien LECORNU, Ministre chargé des Collectivités territoriales, décrypte les enjeux auxquels les collectivités sont aujourd’hui confrontées. Il nous donne sa vision, à court et long termes, du rôle des différents acteurs du territoire.

    À travers une série d’interviews Fluicity vous fait découvrir “Les voix de la démocratie”. Les voix de celles et ceux qui l’incarnent, et les voies qu'emprunte la démocratie elle-même pour vivre, se questionner et se réinventer.

    Comment résumez-vous la mission du Ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ?

    David Carmier, directeur adjoint au cabinet de Sebastien Lecormu, ministre  en charge des collectivités territoriales et de la cohésion des territoires

    David Carmier, directeur adjoint au cabinet de Sebastien Lecornu

    Ce ministère est assez récent puisqu’il date de 2018 et de la volonté du Président de la République de mettre les enjeux territoriaux au cœur de son quinquennat.

    Le premier volet concerne les « collectivités territoriales ». Nous pourrions  résumer cette mission en une phrase : donner aux élus locaux les moyens – juridiques, humains et financiers – de mettre en œuvre leurs propres politiques. Alors que la France a fait le choix de la décentralisation en 1982, l’Etat est là pour fixer un cadre, pas pour décider à la place des élus locaux sur des compétences qui leurs appartiennent. Par exemple, sur le sujet de la démocratie locale, nous offrons des possibilités (consultation citoyenne, recours au référendum…) mais ne nous substitutions pas aux élus locaux dans leur pouvoir de décision.  Et au final, que ce soit l’Etat ou une collectivité, c’est la même chose pour le citoyen : seule compte la qualité du service public !

    Le deuxième volet est la « cohésion des territoires ». La France connaît des fractures territoriales traduisant des inégalités géographiques, économiques ou sociales. Nous avons pour objectif de renforcer l’unité et la cohésion de ces territoires. La mise en place de certains programmes nationaux (Action Cœur de ville, Territoires d’industrie, Plan France Très Haut Débit…) y contribuent directement. C’est également le cas de la politique de la ville qui, avec la mobilisation de l’ANRU, permet de rénover de nombreux quartiers et d’améliorer la vie de leurs habitants.

    Enfin, ce ministère a la particularité d'avoir une très grande dimension interministérielle. Il n’existe pratiquement pas une politique mise en œuvre par l’Etat qui ne concerne pas directement ou indirectement les collectivités. La culture, le sport, les affaires sociales, l’économie, l’urbanisme, l’agriculture… Ce sont des compétences partagées et notre rôle est de veiller à ce que l’ensemble des ministères intègre bien cette dimension territoriale dans leurs décisions.

    Justement, comment maintient-on une cohésion du territoire en temps de crise ? Comment assurer la continuité démocratique des collectivités?

    Premièrement, il est important de rappeler que la crise du Covid-19 n’a pas mis entre parenthèses la vie démocratique de notre pays. La loi du 23 mars 2020 a prorogé les mandats des élus municipaux « en fonction » pour leur permettre de participer activement à la gestion de cette crise. D’ailleurs, l’ordonnance du 1er avril 2020 leur a permis de se réunir par visioconférence, ce qui était une première, permettant aux assemblées délibérantes de continuer à fonctionner sans pour autant avoir à se réunir physiquement.

    Ensuite, malgré le confinement et ses restrictions, les services publics locaux essentiels (ramassage des déchets, alimentation en eau potable, gestion de l’assainissement…) ont continué d’être assurés dans des conditions remarquables. Nous le devons à l’engagement sans faille de nos 35 000 maires et plus de 500 000 élus locaux. Certains considèrent qu’ils sont trop nombreux, mais c'est au contraire une chance d’avoir pu démultiplier les énergies dans ce contexte de crise sanitaire. 

    Enfin, la crise a bouleversé tout l'écosystème administratif. Pour aider les élus locaux dans ce contexte exceptionnel, tout l’Etat déconcentré a été mis en mouvement sous l’autorité des préfets et sous-préfets. Nous croyons beaucoup au couple « préfet – maire » qui sont deux figures de proximité et d’autorité qui appartiennent à la même puissance publique. Par ailleurs, le fait d'avoir une culture préfectorale forte permet de déployer rapidement les décisions nationales au niveau local, tout en prenant en compte les spécificités de chaque territoire. Dans cette crise, L’Etat et les collectivités territoriales doivent agir comme des partenaires.

    35 000 maires et plus de 500 000 élus locaux... Certains considèrent qu’ils sont trop nombreux, mais c'est au contraire une chance d’avoir pu démultiplier les énergies dans ce contexte de crise sanitaire. 


    A lire : "Il est essentiel que les collectivités aient les moyens d'agir !" La voix de la démocratie de Sébastien Prevot, directeur de cabinet à Saran.


    Nous constatons un fort engagement des citoyens durant cette crise. Quel sera leur rôle dans la stratégie territoriale de demain ?

    Visuel reprenant la série Les voix de la démocratie, consacré ici à David Carmier du ministère de s collectivités territoriales et de la cohésion des territoires

    Il ne faut pas opposer les citoyens aux élus pas plus que la démocratie directe à la démocratie représentative. Nous avons besoin de la mobilisation de chacun, la crise l'a prouvé. Des initiatives citoyennes ont été foisonnantes dans le cadre du confinement dans tous les domaines et notamment celui de solidarité : soutien aux seniors, actions sociales pour lutter contre l’isolement ou la précarité… La France est un peuple politique et j’en veux pour preuve l’extraordinaire dynamisme de notre tissu associatif. 

    L’action d'élus locaux démocratiquement désignés, dont le rôle est indispensable pour gérer des services et mettre en œuvre des politiques publiques, est complémentaire avec l’engagement des citoyens. Ce qui est certain c’est que les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir s’engager - sous des formes moins prenantes et plus ponctuelles comme des mobilisations citoyennes ou la signature de pétitions. C’est une très bonne chose ! Nous ne pouvons que l’encourager.

    Comment favoriser cette collaboration entre collectivités territoriales et citoyens ?

    Il existe de nombreux outils qui se sont étoffés au fil des années : les consultations, les référendums, les budgets participatifs, la création de comités de quartier, l’enquête publique… Dans un rapport de 2018, l’Assemblée nationale a d’ailleurs rappelé que les moyens de participation étaient nombreux et que l’enjeu principal était davantage leur appropriation par les élus et les citoyens

    La participation citoyenne n’est pas tant une question de droit qu’une question de culture. Et on voit d’ailleurs que les choses évoluent positivement : le nombre de communes ayant recours à des budgets participatifs est en hausse tandis que beaucoup de maires décident de recourir à des dispositifs digitaux pour mieux associer la population

    Enfin, sur le sujet plus spécifique des budgets participatifs, des enquêtes publiques ou des consultations citoyennes, cela ne peut marcher efficacement que si les citoyens sont au rendez-vous. L’enjeu de participation est essentiel pour que la décision finale soit prise par le plus grand nombre et pas le fruit du lobbying de groupes minoritaires.

    La participation citoyenne n’est pas tant une question de droit qu’une question de culture.

    En parlant d’évolution démocratique, comment imaginez-vous le rôle du maire demain ? La loi “Engagement et proximité” visait à en “renforcer les pouvoirs”. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    La Loi « Engagement et Proximité » a été promulguée le 27 décembre, à l’issue du Grand débat national et de la « tournée des maires » du Président de la République. A rebours d’un mouvement de plus de vingt ans, l’ambition était de remettre la commune au cœur de la République et de renforcer sa capacité d’action. Nos 35 000 communes sont une richesse et le maire est certainement la figure de proximité et d’autorité la plus connue et respectée de nos concitoyens. 

    Les mesures détaillées contribuent à ces objectifs : remettre la commune au cœur de l’intercommunalité pour que ce couple soit plus efficace, augmenter les prérogatives du maire (notamment en matière de police), renforcer les droits des élus municipaux (notamment en matière de formation) pour qu’ils soient mieux armés, etc. Des mesures ont également été adoptées en faveur des jeunes actifs pour contribuer à ce que les conseils municipaux soient encore plus représentatifs de la société. 

    La loi "proximité et engagement" veut remettre la commune au cœur de l’intercommunalité pour que ce couple soit plus efficace.

    En un mot, nous avons voulu remettre la commune au centre de la République et donner à nos concitoyens l’envie de s’engager. La crise que nous traversons aujourd’hui et le retour du couple « préfet-maire » semblent confirmer cette évolution. 

    *David Carmier est directeur adjoint du cabinet de M. Sébastien Lecornu,  Ministre chargé des collectivités territoriales. Il est également adjoint au Maire de Sartrouville (Yvelines) et conseiller communautaire à la Communauté d’agglomération Saint Germain Boucle de Seine (CASGBS). Enfin, il est enseignant à Sciences Po en droit public approfondi et en finances publiques.

    « Les voix de la démocratie » continuent de se faire entendre dès la semaine prochaine, avec celle d'Arnaud de Champsavin, consultant en participation citoyenne et en projets numériques (DINUM, ETALAB, DITP). A bientôt !