Cher(e) futur(e) Président(e)
mercredi 26 avril 2017
Article initialement publié dans Les Echos, 20 avril 2017
Les civic techs participent au réengagement massif des citoyens dans nos démocraties
Lettre au Président
La jeunesse française est passionnée par la politique tout en étant découragée par ses acteurs et leurs pratiques. Selon une étude (IFOP), l’abstention chez les 18–25 ans s’élèverait à près de 50 % pour la prochaine élection. En 2012, le taux d’abstention des jeunes était d’environ 30 %. Veut-on continuer à n’écouter que les baby boomers et arriver à 70% d’abstention des jeunes d’ici 5 ans ?
A la veille de l’élection présidentielle, les candidats se sont tous positionnés pour faire face à la crise démocratique la plus grave que la France ait connue depuis le début de la Ve République. 49–3 citoyen, référendum populaire, vote obligatoire…Ces réformes sont utiles mais semblent oublier l’engouement considérable récemment suscité par la “civic tech”. Ce mouvement global, porté par des startups ambitieuses, propose de rompre avec nos modes de gouvernances traditionnels pour ré-engager massivement les citoyens, promouvoir une plus grande transparence des institutions et augmenter l’efficacité du service public.
Aux Etats-Unis, les civic tech absorbent aujourd’hui 25% des dépenses IT des gouvernements et ces investissements progressent 14 fois plus vite que les autres dépenses IT des gouvernements. La plateforme de pétitions en ligne Change.org compte désormais 177M d’utilisateurs permettant aux décideurs des plus hauts niveaux de mieux représenter leurs électeurs. L’outil de signalement SeeClickFix est présent dans plus de 300 villes américaines, où les citoyens participent directement à l’amélioration de l’espace public. Les investisseurs les plus influents s’engagent massivement ; Georges Soros (Open Society), Mark et Ben Horowitz (OpenGov), Richard Branson (Change.org) et Pierre Omidyar (NationBuilder). Cette année c’était au tour de Mark Zuckerberg d’annoncer “Town Hall”, une fonctionnalité Facebook permettant aux citoyens américains d’entrer en contact directement avec leurs élus locaux.
Cet engouement ne traduit pas seulement une réalité économique, il reflète avant tout un besoin urgent, notamment dans le contexte des récentes montées des extrémismes dans les démocraties occidentales, de favoriser l’engagement des citoyens et d’accroître la responsabilité (au sens de l’anglais « accountability ») des gouvernements.
En France, nous sommes de nombreuses start-ups à enrichir ce mouvement. Comparateurs de programmes politiques (Voxe.org), lobbies citoyens (Make.org) et plateformes de co-construction à l’échelle locale (Fluicity) démontrent chaque jour leur contribution positive à la vitalité de notre démocratie. Au delà des propositions envisagées dans votre programme, voilà quelques mesures concrètes qui peuvent radicalement rénover le fonctionnement de nos démocraties :
- Acculturer les représentants politiques aux solutions civic tech.
- Rendre le numérique obligatoire dans les dispositifs de concertation.
- Encourager le vote numérique autour des budgets participatifs.
- Faciliter l’accès des civic tech à la commande publique.
En libérant ainsi tout le potentiel des civic tech européennes, il ne s’agira pas pour vous de transformer l’état en géant du web ou de copier des modèles antiques de démocratie directe mais bien de bâtir sur l’existant, en partenariat avec les acteurs clés de la civic tech “made in France”.
Tel est l’engagement que nous attendons de vous, cher(e) futur(e) Président(e).
Ancienne salariée de chez Google et membre du Galion, Julie de Pimodan est co-fondatrice et CEO de Fluicity, une civic tech pour laquelle, elle a reçu en 2015 le prix MIT des innovateurs de moins de 35 ans.