Do you want to set up a participatory budget for your community?
Fluicity logo
Request a demo

Interview avec Christophe Girard

  • Tuesday, September 8, 2015

  • Blog cover image

    Christophe Girard - droits Michel Restany


    Interview de Christophe Girard par l'équipe Fluicity

    Lorsque Monsieur Christophe Girard, Maire du 4e arrondissement de Paris, nous accueille dans son bureau, un soleil d’été rayonne sur les débuts du mois de septembre. Au centre de ce bâtiment du XIXe siècle, des citoyens de tout âge lisent, assis à l’ombre de jeunes arbres. Le ton de l’entretien avec Monsieur le Maire s’imprègne de cette ambiance calme et sereine, guidé par un souffle positif sur la démocratie.

    Vous avez longtemps milité pour abaisser l’âge de la majorité à 16 ans. Pensez-vous que l’intérêt des jeunes dans la démocratie a évolué ?

    Je suis parti de deux constats. D’abord, le vieillissement de la population. Les gens meurent plus âgés. Or, que je sache, on n’empêche pas — et heureusement d’ailleurs — qui que ce soit d’aller voter jusqu’à la veille de sa mort. On peut voter à 120 ans. Donc si on a confiance dans une population qui vieillit, on pense que son vote est légitime, pourquoi ne pas se poser la question d’une jeunesse qui souvent est très informée ? Donc, il ne faut pas avoir peur de la jeunesse. Internet, les réseaux sociaux, Fluicity par exemple, c’est un bon endroit pour que la jeunesse s’exprime. C’est pour ça que je suis assez enthousiaste sur votre projet. C’est que vous allez permettre à des gens de se responsabiliser en se rencontrant, en discutant de sujets importants, qui sont le destin commun et individuel dans la démocratie, dans la ville.

    Connaissez-vous des difficultés à mobiliser et à connaître l’avis de vos concitoyens ?

    Pour être très honnête, il existe des outils de démocratie locale et participative, comme les conseils de quartier, où j’ai le sentiment que ce sont un peu toujours les mêmes qui donnent de leur temps, de leur énergie. Que tout ceux qui souvent râlent ou ont des question pertinentes à poser n’attendent pas forcément les réponses, et ne viennent pas participer à ce travail collectif. Parce qu’évidemment, c’est du travail, c’est du temps, c’est de la patience, ce sont des actions sur la durée, et ce n’est pas toujours très gratifiant. Donc je trouve que la mobilisation, elle existe souvent contre, mais elle n’est pas toujours très constructive, en tout cas pas suffisamment. Donc le rôle d’un maire d’arrondissement ou d’une petite commune, une petite ville comme le 4e arrondissement, c’est de faire en sorte que, sur des thèmes importants comme la transmission de la mémoire, le choix des projets pour l’arrondissement, l’amélioration de la qualité de la vie, les problèmes de location sauvage, la pollution sonore, les pollutions nocturnes avec parfois des bars qui ne respectent pas les horaires ou des clients un peu indélicats… Tous ces sujets-là, il faut pouvoir en débattre, mais il faut que le citoyen s’en empare.

    Donc, la mobilisation, elle existe, mais les citoyens ne sont pas toujours au rendez-vous.

    Pensez-vous que l’empouvoirement des citoyens peut se réaliser à travers les possibilités offertes par le numérique ?

    Que les citoyens se prennent en charge et s’occupent de la cité, c’est évidemment une bonne nouvelle, puisque nous, nous sommes les représentants des citoyens. Donc plus ils interviennent, ils soutiennent, ils agissent, plus notre action sera efficace et légitime.

    Maintenant, il y a aussi le temps des décisions. On a été choisi, on représente les citoyens, on doit agir. Si l’on modifie une proposition pour laquelle ils avaient voté, on doit expliquer. C’est-à-dire que tout le monde remet en cause tout vote en permanence. Il n’y aurait plus d’action municipale crédible et efficace. Donc, de l’engagement, c’est une très bonne nouvelle ; de l’ordre, de la décision et de l’application, du travail et de l’efficacité ; et puis, internet est évidemment un outil fantastique, puisque l’on peut joindre en particulier les jeunes générations. Ceux qui ne sont pas forcément intéressés à venir à un conseil d’arrondissement ou à une réunion publique, mais qui peuvent très bien aller voir sur l’internet ce qu’il s’est dit et ce qu’il s’est passé, et télécharger une réunion que nous avons tenue. C’est l’addition de tous ces moyens qui est une bonne nouvelle.

    Quelle est la place de la mairie dans la ville, aujourd’hui ?

    Une mairie, aujourd’hui, doit être une mairie du concret : la relation personnelle, locale, humaine, individuelle et collective, pragmatique, mais aussi celle de l’ère 2.0. Par exemple, ici dans la mairie, je souhaite que l’on installe beaucoup plus de tables partout dans les espaces publics, dans les circulations, pour que les jeunes qui vont à la bibliothèque Arthur Rimbaud par exemple ou dans le verger du Soldat Laboureur, puissent accéder au WiFi, à internet, et travailler ou communiquer à travers la mairie.

    Que pensez-vous du système de “votations citoyennes” (à la Suisse) au niveau local ?

    J’aime bien l’idée de consulter sur des sujets importants, où l’on est pas tous du même avis. Il ne s’agit pas de voter sur l’élargissement d’un trottoir, ou de l’inversement d’une rue, ou d’une rue que l’on rend piétonne. En revanche, si l’on doit modifier quelque chose de manière très structurelle, très importante pour la vie des habitants, comme par exemple un problème d’horaires, des ouvertures plus nocturnes de lieux qui sont à côté des habitations, cela vaut la peine qu’on les consulte. C’est pour cela que l’on tient beaucoup de réunions publiques : c’est une sorte de votation. Et puis Madame Anne Hidalgo a fait voter les habitants sur le budget participatif. Je vois que lors de la restitution dans la cour de la mairie, les projets lauréats étaient affichés, et nombreux sont ceux qui sont venus au nom de leur association, mais aussi comme habitant ! Vous savez, avoir peur des habitants, c’est comme ceux qui ont peur de la jeunesse. La jeunesse, c’est l’avenir !

    Quels sont les défis de la démocratie aujourd’hui ?

    Le plus gros défi, c’est le risque de désintérêt, de désertion de la démocratie et la chose publique. D’aller croire qu’il y a autre chose de possible que la démocratie, c’est d’abord insulter les siècles de luttes, ceux et celles qui ont fait des révolutions, qui ont voté des lois qui permettent aux femmes de voter, d’avorter, aux couples homosexuels de se marier… À tous ceux qui ont lutté pour conquérir des droits. Donc il ne faut pas jouer avec la démocratie : ce n’est pas un jeu de société, c’est quelque chose de très grave. Et nos parents, nos grand-parents se sont battus pour avoir la paix, pour que la démocratie fonctionne, que les élections se tiennent, pour que l’égalité des droits soit plus grande. Donc il faut être très vigilant : la démocratie est fragile, très fragile.

    Que pensez-vous de Fluicity ?

    C’est utile, ce que vous faites, parce que des gens vont peut-être venir chez vous alors qu’ils ne venaient pas s’exprimer ailleurs. Moi, je les encourage, à venir trouver du fond, de la réflexion, des interviews… Ça va marcher, vous êtes bien partis !